« Lorsqu’une personne est traitée contre une maladie et décède malgré tout, c’est bien la preuve que le traitement est inefficace; lorsque la proportion des personnes traitées augmente dans les constats de décès, c’est bien que le remède est pire que le mal ! »
Je vous propose une analogie1 pour mieux comprendre ce qui ne va pas dans cette assertion.
Un tiroir monotone et en danger
Dans un tiroir il y a un très grand nombre de chaussettes, toutes bleues.
On se rend compte qu’il y a aussi des mites dans ce tiroir; ces mites attaquent certaines chaussettes, parfois les mangent et s’en vont, mais dans le pire des cas les trouent et on doit les mettre à la poubelle.
Il est bien évident que, dans cette situation, si on prend au hasard un certain nombre de chaussettes, on aura!
- Des chaussettes saines
- Des chaussettes avec des mites dessus, mais non encore trouées
- Des chaussettes trouées
Mais quoi qu’il arrive, ces chaussettes seront bien évidemment toutes bleues.
Un nouvel espoir
Par chance, un traitement anti-mites existe, en une teinture (verte) dans laquelle on trempe les chaussettes et qui contient un produit qui tue les mites qui viendraient essayer de manger les chaussettes traitées. L’avantage de la couleur du produit est qu’il est facile de savoir si une chaussette a été traitée (elle est verte) ou non (elle est bleue).
Bien sûr, comme tous les produits, le traitement n’est pas efficace à 100%: il existe une toute petite chance pour qu’une mite qui viendrait manger la chaussette ne soit pas tuée par le produit, et donc risque de malheureusement trouer une chaussette traitée. On note maintenant les observations suivantes:
- Pour 1000 chaussettes non traitées (bleues) et attaquées par les mites, 50 finiront par avoir des trous
- Pour 1000 chaussettes traitées (vertes) et attaquées par les mites, 5 finiront par avoir des trous
La situation dans notre tiroir a changé: si on prend un grand nombre de chaussettes au hasard, on aura bien toujours un mélange de chaussettes saines, attaquées ou trouées, mais dans chacune de ces catégories certaines chaussettes seront bleues (les non traitées) et certaines seront vertes (les traitées). Bien sûr, vu l’efficacité du produit, si on a pris une chaussette verte, on aura beaucoup plus de mal à en trouver une trouée que si on a pris une chaussette bleue.
On prend donc la décision de traiter toutes les chaussettes du tiroir; on trempe donc les chaussettes une par une dans le produit. À mesure que le temps passe, on aura une proportion grandissante de chaussettes vertes et une proportion décroissante de chaussettes bleues.
Un peu de logique
Au fil du traitement, on verra ainsi la dynamique suivante:
- Lorsque aucune chaussette n’a été traitée, on n’a aucune chance de voir dans notre tiroir de chaussette verte trouée.
- Lorsqu’une seule chaussette a été traitée, on aura une (mal)chance infime, mais possible, de retrouver notre chaussette verte trouée: il faudrait qu’elle ait été attaquée par une mite malgré le traitement, que cette mite n’ait pas été tuée et qu’en plus elle ait fini par trouer la chaussette.
- Lorsque la moitié du tiroir a été traité, on a autant de chaussettes bleues que de chaussettes vertes. On trouvera donc statistiquement, pour 9 chaussettes bleues (non traitées) trouée, une chaussette verte (traitée) trouée. La population de chaussettes bleues sera 9 fois plus atteinte par les trous que la population de chaussettes vertes.
- Lorsque la totalité du tiroir aura été traitée, on n’aura plus que des chaussettes vertes (traitées). De ce fait, vu l’efficacité imparfaite du traitement, et vu qu’il n’y a plus que des chaussettes vertes, toutes les chaussettes trouées seront vertes (traitées). Mais on aura 10 fois moins de chaussettes trouées dans notre tiroir qu’à l’époque où les chaussettes étaient toutes bleues.
Conclusion
Est-ce qu’il sera pour autant correct de dire que, puisqu’il n’y a que des chaussettes trouées vertes, cela signifie que le traitement est inefficace ? Ce serait faire une monumentale erreur de logique élémentaire.
Lorsqu’un traitement, bien qu’efficace, est imparfait, il est absolument inévitable de trouver des éléments traités qui ont tout de même été atteints. Mais la proportion des éléments atteints sera incroyablement plus basse que dans le cas où aucun élément n’aurait été traité.
Il en va de même pour le vaccin contre le CoVid19: le vaccin est très efficace (à 95%), mais pas parfait (5% d’inefficacité). Il ne peut pas aller autrement que d’avoir des décès de personnes vaccinées. Mais en proportion drastiquement moindre que de personnes non vaccinées. Et lorsque 100% de la population sera vaccinée avec notre vaccin efficace à 95%, il n’y aura donc plus personne de non-vacciné. Donc tous les morts du CoVid19 seront mathématiquement des personnes vaccinées. Mais dans une proportion incomparablement moindre qu’avant la vaccination.
Notes
1 – Comme toutes les analogies, celle-ci ne doit pas être lue et interprétée en dehors du contexte pour lequel elle a été créée. Il n’est pas question ici de débattre d’un équivalent d’un passe sanitaire, ou d’une efficacité ou non. Le point que cette analogie adresse est bien la phrase du début et rien d’autre: « Lorsqu’une personne est traitée contre une maladie et décède malgré tout, c’est bien la preuve que le traitement est inefficace; lorsque la proportion des personnes traitées augmente dans les constats de décès, c’est bien que le remède est pire que le mal ! ». Toute récupération de cette analogie pour argumenter sur un autre sujet sera bien évidemment invalide par construction. Il est inutile également d’avancer l’argument: « rien ne dit que le traitement est bien efficace dans cette proportion », qui serait totalement hors-sujet, puisque c’est une hypothèse de base de cette expérience de pensée.